Les grands défis de la construction d’immobilier en Ile-de-France… et ailleurs

Depuis plusieurs mois, les promoteurs tirent la sonnette d’alarme sur les défis auxquels ils sont confrontés pour répondre à la demande toujours croissante d’immobilier neuf (sur plan, en VEFA : Vente en État Futur d’Achèvement). Les principaux écueils sont le déficit de foncier, la baisse des permis de construire, la hausse de matières premières stratégiques pour la construction, et l’arrivée d’une nouvelle norme.

Le foncier (terrain constructible) en déficit

En 10 ans, la population française a augmenté d’environ 2,5 millions de personnes ; c’est très important. Et globalement, compte tenu de notre organisation centralisée, le besoin de logements s’est concentré dans les métropoles toujours grandissantes. La demande, vers les villes de petites et de moyennes taille, observée depuis le confinement, est réelle mais elle reste faible et trop récente pour modifier significativement notre modèle.

Parallèlement, les français (et les françaises) ne veulent plus vivre au milieu de grands ensembles immobiliers ; ils plébiscitent des maisons individuelles et/ou les logements collectifs de petite hauteur. La conséquence est un besoin de plus en plus important de terrains constructibles… donc un élargissement progressif de l’emprise foncière des villes. Et cela a une limite en termes d’utilisation des terres agricoles, d’aménagement du territoire avec des infrastructures de transport coûteuses…

Tous les promoteurs sont donc maintenant confrontés à un manque de terrains constructibles situés à proximité des centres-villes et des transports en communs. C’est vrai partout en France mais c’est particulièrement tendu à Paris et dans toutes les villes proches en d’Ile-de-France.

La solution est donc d’acheter du bâti existant (industriel, commercial, habitation) ; de démolir ; éventuellement de dépolluer ; et de reconstruire avec les normes actuelles. Ce n’est pas facile à faire (ni à trouver, ni à mettre en œuvre), et cela coûte cher.

Les permis de construire en chute

La pénurie de logements neufs est récurrente depuis des années. Mais elle s’aggrave depuis plusieurs mois. Et c’est logique puisqu’au niveau national il y a une baisse de 41 % entre le nombre de permis de construire de juillet 2017 (avec un pic de 29900 autorisation mensuelles) et celui de juin 2020 (avec un palier bas expliqué par la tenue d’élections municipales à 17500 autorisations mensuelles)*.

Pourquoi ? Parce que les maires rechignent à signer des permis de construire notamment car ils peuvent être sources de nuisances qu’ils préfèrent éviter avant et pendant les périodes d’élections, qu’elles soient municipales, départementales ou régionales (comme en 2020 et 2021) … ou présidentielles (comme cela sera le cas en 2022).

La conséquence, au regard de l’offre commerciale à la fin de ce 1er trimestre 2021 en Île-de-France (avec seulement 15 058 unités, dont 14 569 appartements classiques et 489 maisons individuelles groupées) * ? Une baisse de 28 % par rapport à l’offre du 1er trimestre 2020*.

Le prix des matières premières en hausse

La reprise économique annoncée depuis la fin du confinement se dessine en France et en Europe. Elle a déjà commencé de manière significative aux États-Unis et en Chine. Les conséquences sont une demande explosive et importante sur les différents matériaux (acier, cuivre, bois de construction, plastiques, peinture…). En face, les stocks, les filières de production et les moyens de transports doivent se réorganiser. En attendant, puisque la demande est supérieure à l’offre, les prix augmentent et les délais de livraison s’allongent.

A cela s’ajoute des tensions spécifiques par exemple le conflit sur le bois entre les États-Unis et le Canada, dont l’effet immédiat est une augmentation des demandes à l’achat du bois européen par les américains… et donc une explosion des prix de ce dernier, et une raréfaction des stocks.

La solution pourrait être une relocalisation des productions d’outillage et de certains composants en France ou du moins en Europe. C’est possible… mais cela va prendre du temps. Et compte tenu du coût de la main-d’œuvre, il n’est pas certain que cela fasse baisser significativement les prix de vente. Mais au moins cela sécurisera potentiellement l’accès à l’offre.

L’arrivée de la RE2020

L’objectif du gouvernement est de diminuer de 30 % les émissions de CO2 du secteur de la construction d’ici à 2030. Mais, pour citer Alexis Rouque, délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) : La RE2020 « c’est à la fois un risque et une opportunité » [compte tenu] « des surcoûts qu’on a du mal à évaluer aujourd’hui ». Et selon Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), « La question c’est de savoir si on sera financièrement capables de la tenir ».

Cette nouvelle réglementation (RE2020 pour Réglementation Environnementale 2020) doit remplacer en janvier 2022 l’actuelle Réglementation Thermique 2012 (RT2012). Tous les permis de construire des logements, bureaux et de l’enseignement, déposés après l’été 2021 devront en tenir compte. NB : Les bâtiments du tertiaire feront l’objet d’un volet ultérieur.

Concrètement, cela signifie la fin du chauffage au gaz (négocié à partir de 2024, pour laisser place aux pompes à chaleur, aux chauffages à granulés de bois et à l’électrique) ; et également l’utilisation privilégiée de matériaux comme le bois, le chanvre…

Mais d’une part il y a déjà des tensions fortes sur le prix du bois, et d’autre part, cela implique d’avoir les équipes capables d’installer correctement ces matériaux et équipements. Donc, au mieux, de former les équipes déjà en place ; au pire de réussir à en recruter avec les compétences requises. Cela s’avère particulièrement difficile (depuis des années le bâtiment peine à recruter de la main d’œuvre qualifiée) et coûteux.

Conclusion :

Compte tenu de la pénurie du foncier, de la baisse des permis de construire, de la hausse des matières premières stratégiques, du surcoût de la mise en œuvre de la norme RE2020, et de la demande soutenue de logements, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour annoncer une augmentation à venir des prix de vente de l’immobilier neuf en Ile-de-France. Afin de répondre aux besoins de logements de qualité, et aux objectifs environnementaux, la solution pourrait être la rénovation et l’isolation des bâtiments anciens, ainsi que la réhabilitation des bureaux inoccupés. Mais si, sur le papier, cela semble évident, dans la réalité, les défis à affronter sont encore plus importants. Il faut améliorer le ratio du coût de la rénovation par rapport à son efficacité, trouver des bâtis compatibles… et surtout répondre à la fameuse question : qui va payer ?